Le 17 ème Siècle

Sous le patronage de la noblesse européenne, la guitare a connu premièrement une reconnaissance comme instrument qui devint par la suite indispensable. Le nombre de compositeurs pour cet instrument, de guitaristes, et de fabricants de guitares atteignit des proportions insoupçonnées. L’amélioration des méthodes d’édition et de publication nous a permis de connaître les noms de ces compositeurs, guitaristes et luthiers.

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C’est un fait connu que le roi Louis XIV de France lui-même jouait de la guitare et que c’était son instrument favori. Il eut comme professeur un des plus importants guitaristes français dont le nom nous est connu – Robert de Visée (1650-1725). Jean Baptiste Lully était un grand compositeur à cette époque. Il jouait de la guitare et a composé pour cet instrument.

Nous connaissons les noms de plusieurs fabricants de guitare de l’époque baroque française. René Voboam représente le summum de l’école de fabricants de guitare en France (fig.8) durant le 17ème siècle. Il a fabriqué une guitare datée de 1641. Cette guitare est un exemple de fabrication d’instrument avec beaucoup d’ornements. Alexandre Voboam et son fils Jean firent aussi des guitares représentatives du 17ème siècle.

Influence germanique

En Hollande,au 17ème siècle, il y eut un très grand nombre d’ouvrages de musique pour la guitare publiés. L’oeuvre d’Isabel van Laughenhove est représentative de cette époque. Mais, c’est en Allemagne que la guitare atteignit sa plus grande popularité en Europe du Nord. Heinrich Schütz (1585-1672), Samuel Scheidt (1587-1654) et Johann Hermann Schein (1586-1630) ont joué un rôle important.

Parmi les guitares allemandes qui existent encore, notons la première guitare connue fabriquée en Allemagne par Jacobus Stadler en 1624. Sa caisse est typiquement courbée, possède des rayures à l’arrière et démontre une forte influence des luthiers italiens. Une guitare du 17ème siècle d’un type totalement différent a été fabriquée par un prêtre, le père John de Apsom. L’arrière de l’instrument est décoré de gravures représentant une scène de la crucifixion.

Le fabriquant de guitare le plus éminent de toute l’Europe fut cependant Joachim Tielke de Hambourg (1641-1719). Ses guitares remarquables étaient faites et décorées de matériaux tels que l’ivoire, des écailles de tortue, du bois d’ébène, d’or et d’argent, de nacre, de bois de jaracanda. Ses guitares étaient toutes faites avec ce qu’il y a de plus élevé comme art. Sur l’une de ces guitares, les côtés sont faits d’ivoire gravé d’images. Ces images représentent des scènes de la Genèse. Ses autres guitares sont recouvertes de décorations florales, typiques de Tielke, représentant des scènes mythologiques, une caractéristique de ses oeuvres. Cette tendance envers la décoration raffinée et détaillée, telle que manifestée sur les instruments de Tielke, représente le summum de l’artisanat allemand; cela est comparable à l’artisanat des grands maîtres de la renaissance italienne.

Influence de l’Europe de l’Est

Selon les découvertes, la guitare est apparue en Europe de l’Est dès le milieu du 17ème siècle. En Tchécoslovaquie, les luthiers tchèques furent attirés par la guitare de type battente. Aux cinq cordes doubles de la guitarra battente originale, les Tchèques ajoutèrent une corde simple qu’ils utilisaient pour jouer la mélodie en solo. Les guitares d’ Andrees Ott, un luthier de Prague, témoignent de l’impact de l’influence italienne.

La Pologne, dans l’histoire de la guitare, est associée à Jakob Kremberg, poète, chanteur et compositeur de Varsovie qui composa de la musique pour cet instrument. L’oeuvre de Kremberg est importante aussi en ce qu’elle nous donne de l’information sur la manière que la guitare y était accordée: la guitare y était accordée un ton plus bas que dans le cas de la guitare moderne.

Espagne et Portugal

Même si la guitare était moins populaire en Espagne qu’en Italie et n’était pas aussi populaire que la vihuela fut au siècle auparavant, on y retrouve des oeuvres importantes et un nombre d’excellents guitaristes qui commencèrent à être connus dans ce pays.

Un des guitaristes espagnols marquants de l’époque, Francisco Corbera, dédia son oeuvre Guitarra Española y sus differencias de sonos à Philippe IV, roi d’Espagne de 1621 à 1665. Mais le plus éminent guitariste espagnol du 17ème siècle fut Gaspar Sanz.

Sanz étudia la guitare en Italie et aussi l’orgue ainsi que la théorie musicale. Il devint organiste de la chapelle du roi de Naples. Lors de son retour en Espagne, il publia trois livres de musique de guitare en 1674,1675 et 1697. Ces livres contiennent les enseignements de haute valeur de l’auteur en matière d’improvisation et d’interprétation, tout en utilisant les deux manières de jouer la guitare: monodique (plucking) et par accords (strumming). Il pensait que la méthode monodique était plus appropriée pour la musique de danse. Il accordait sa guitare en A-D-G-B-E.

En plus d’être guitariste et organiste, Sanz était aussiun compositeur accompli. La musique en solo représente une grande partie de son livre. On retrouve également plusieurs danses et passacaglias. Sa notation musicale est en majeure partie en tablature mais on y retrouve aussi plusieurs courts passages écrits en notation musicale moderne.

La publication importante suivante, après celle de Sanz, eut lieu à Madrid en 1677. L’auteur en était Lucas de Ribayaz. On y trouve des danses dérivées de mélodies folkloriques.

Peut-être cependant, le plus important compositeur espagnol du 17ème siècle a été Don Francisco Guerau, un prêtre et musicien de la cour de Charles II. Son livre, Poema harmonico compuesto de varias cifres por el temple de la Guitarra Española, publié en 1694, contient quinze passacaglias et dix danses diverses incluant une pavana et un galliard. Dans son livre, il donne une série d’instructions sur la notion de tablature et de l’utilisation des ornements ainsi que des indications très précieuses sur la position des mains et la technique de la guitare, qui offrent un intérêt historique et pédagogique. Il a démontré l’utilisation du barré et il donnait beaucoup d’importance à la position de la main droite et à celle du pouce de la main gauche. Il a contribué à l’essor d’une technique considérablement avancée.

Au Portugal, le roi Jean IV (1603-1656) fonda la bibliothèque de musique la plus complète de l’Europe du 17ème siècle. Un des plus fameux guitaristes du Portugal fut Doisi de Velasco. Son premier livre fut publié à Naples en 1640. Un second ouvrage suivit cinq ans plus tard. Ainsi, plusieurs ouvrages espagnols et portugais furent publiés en Italie durant le 17ème siècle. Cela a rapport au fait que la plus grande popularité de la guitare en Italie attirait les maîtres espagnols et portugais à réaliser qu’ils auraient de plus grands avantages à faire imprimer leurs travaux en Italie plutôt que dans leur pays.

La guitare en Italie

La guitare avait une importance considérable dans la vie musicale italienne à cette époque. Le grand nombre de compositeurs et de guitaristes qui vivaient en Italie à l’époque baroque, et les nombreux instruments de cette époque en provenant, plus que de tout autre pays, et qui existent encore, sont la preuve que ce pays était le centre du monde de la guitare.

On pense que le facteur ayant eu le plus d’importance dans la popularité de la guitare en Italie et à l’enrichissement de sa littérature a été l’introduction d’Espagne du style essentiellement monodique (plucked style) de jouer de la guitare. Pour cette raison, la guitare en Italie en vint à être appelée chitaria spagñuola. Le style monodique (plucked style) de jouer de l’instrument éventuellement remplença le style rasgueado (strumming) par accords qui domina l’art de jouer de la guitare au 16ème siècle italien. Le style monodique était à son tour dérivé de la technique du vihuela que les Espagnols avaient adaptée à leur guitare. Après avoir adopté le terme chitarra spagñuola, les Italiens le popularisèrent graduellement et cette appellation devint générale et demeura pour le reste du 17ème siècle. Le terme « guitare espagnole » vient de chitaria spagñuola utilisé au 17ème siècle.

Les deux techniques (monodiques et par accords), essentiellement différentes, utilisées pour jouer de la guitare coexistaient dans l’Italie du 17ème siècle. La technique monodique (plucking) était écrite en se servant de la tablature. La technique d’arpège des accords (strumming) était rendue grâce à une notation spéciale développée par les compositeurs du 16ème et 17ème siècle. Cette notation spéciale consistait en un tableau d’accords de base, chacun étant identifié par une lettre majuscule.

Les compositeurs italiens du 17ème siècle étaient nombreux, mentionnons: Girolamo Montesardo dont l’ouvrage illustre la musique pour guitare du début du 17ème siècle. Benedetto Sanseverio qui a composé des pièces musicales sous forme de passacaglias, chaconnes, sarabandes.

Le plus éminent guitariste compositeur de ce siècle fut Francisco Corbetta (Corbetti). Corbetta voyaga à travers l’Italie comme guitariste de concert et fit une tournée du reste de l’Europe en remportant un grand succès, ses voyages le conduisant vers plusieurs cours royales. Il était un grand virtuose de la guitare. Corbetta utilisait différents types de tablatures pour écrire sa musique. Il composait selon différentes formes – toccates, passacailles, symphonies, etc.; mais ses plus importantes compositions demeurent ses suites, qui consistaient en des Almandas, Courrentes and Sarabandes. Elles furent les premières suites de l’époque baroque et Corbetta avait l’habitude de les grouper et de mentionner qu’elles devaient être jouées ensemble.

Giovanni Battista Granata a été le plus prolifique des maîtres du 17ème siècle. Ses compositions ont été publiées en sept volumes, chacun d’une taille importante. Ses pièces pour guitare solo comprennent des préludes, toccates, correntes et autres, et étaient complexes.

Parmi d’autres compositeurs italiens importants figurent: Domenico Pelligrini, Ludovico Roncalli. Ces compositeurs écrivaient en tablature comme les autres compositeurs précédemment mentionnés du 17ème siècle. Plusieurs de ces compositeurs voyagèrent à travers l’Europe en emportant avec eux guitare et leur musique. À part les compositeurs et leur musique pour la guitare, il y eut des ouvrages érudits écrits pour la guitare et ses interprètes.

La grande abondance de manuscrits musicaux italiens du 17ème siècle et d’ouvrages publiés est égalée par le grand nombre de guitares de cette époque qui existent encore dans les musées à travers le monde. Contrairement aux guitares des pays nordiques avec leur conception et leurs motifs plutôt uniformes, les guitares italiennes arboraient une grande variété de décoration. Plusieurs fabricants de guitares se distinguèrent quant à leur grand art au cours du 17ème siècle.

Antonio Stradivarius (1644-1737) de Crémone, le plus célèbre luthier italien du 17ème siècle, est renommé surtout pour ses violons, altos et violoncelles inégalés, mais il fut aussi connu pour avoir construit des harpes et des guitares (fig.9-10). Deux de ses guitares nous sont connues.

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